Dans le cadre d’une étude diagnostique que j’ai menée dans une région du Mali, l’un des objectifs était de comprendre les obstacles spécifiques liés à l’accès, au maintien et aux résultats scolaires des filles.
Contrairement aux idées reçues qui pointent souvent le mariage précoce et d’autres normes socioculturelles comme principales barrières, mes recherches ont révélé une réalité différente : la pauvreté reste le principal frein, dépassant largement les pratiques socioculturelles.
1. Les principaux obstacles identifiés
Les résultats montrent que les défis à la scolarisation des filles se regroupent autour de 4 axes majeurs :
i- Pauvreté : Manque de moyens financiers pour les frais scolaires ( même si minime) et les fournitures. Pression économique conduisant à l’exode rural ou à l’implication des filles dans des tâches domestiques et agricoles. L’incapacité des familles à financer des solutions de logement ou de transport pour leurs filles dans les villages disposant de collèges et lycées empêche leur accès à l’éducation secondaire. Difficulté pour les familles à obtenir des actes de naissance, une condition essentielle à l’inscription scolaire.
ii- Insuffisance des infrastructures éducatives : L’absence d’écoles de second cycle (fondamental 2) dans de nombreux villages oblige les filles à quitter leur communauté pour poursuivre leurs études, un défi souvent insurmontable pour les familles. Par crainte pour la sécurité de leurs filles ou faute de contacts fiables dans les villages disposant d’écoles, les parents préfèrent renoncer à leur scolarisation.
iii- Pratiques socioculturelles : Bien que significatives, les barrières comme les mariages précoces et les normes religieuses ont moins d’impact que les contraintes économiques. Craintes des parents liées aux influences extérieures (réseaux sociaux, fréquentations).
iv- Désintérêt et méconnaissance : L’analphabétisme des parents réduit leur compréhension des avantages de l’éducation pour les filles. Le manque d’accompagnement parental fragilise les parcours éducatifs des filles. Désintérêt des jeunes filles : Les filles elles-mêmes perdent parfois l’envie d’étudier, découragées par l’absence de soutien, le manque de perspective ou la pression de devoir choisir entre leurs études et leurs responsabilités familiales.
2. Les motivations qui encouragent la scolarisation
Malgré les défis, l’étude a aussi mis en lumière des leviers qui motivent les familles :
- La perception d’un meilleur avenir économique pour les filles et leurs familles grâce à l’éducation.
- La proximité des infrastructures éducatives comme les internats ou les écoles secondaires.
- Les incitations financières telles que des bourses ou la prise en charge des frais scolaires.
3. Recommandations pour un changement durable
Les enseignements de cette étude montrent qu’il est essentiel de concentrer les efforts sur trois axes principaux : la lutte contre la pauvreté, en soutenant économiquement les familles, en finançant les fournitures scolaires et en développant des activités génératrices de revenus ; la sensibilisation communautaire, avec des campagnes mettant en avant les bénéfices économiques et sociaux de l’éducation des filles ; et le développement des infrastructures scolaires, notamment la construction d’écoles secondaires à proximité des villages pour réduire les distances et favoriser l’accès.
Ces actions ne visent pas seulement à éliminer les obstacles immédiats, mais à créer un environnement propice à l’épanouissement éducatif des filles.
Dans le projet dont cette étude constituait l’une des activités, plusieurs mesures concrètes ont été mises en œuvre pour répondre aux défis identifiés :
a) Agir sur la pauvreté : Le projet a financé des activités génératrices de revenus (AGR) pour les mères, leur permettant de soutenir l’éducation de leurs filles.
b) Répondre au désintérêt des filles et au manque de suivi : Des clubs d’adolescents ont été créés et animés, offrant des espaces de discussions et d’activités pour encourager les filles à s’impliquer davantage dans leur parcours scolaire.
c) Sensibiliser les parents : L’équipe a utilisé l’art social et impliqué des figures locales de réussite pour promouvoir l’éducation des filles. Ces actions ont permis de réduire le désintérêt parental et d’encourager un soutien actif à la scolarisation tout en sensibilisant sur l’égalité du genre.
En somme, la lutte contre la pauvreté est une condition essentielle pour garantir leur accès à l’éducation, leur maintien dans le système scolaire et leur succès.
Par Salimata Togora, Consultante et autrice et fondatrice de CEFED.